24 Juillet 2025
Les cerfs-volants sacrés de Bali : des villages unis par le vent
Par Laure Jacquet, Directrice des Opérations à Shanti Travel
Le cerf-volant à Bali est bien plus qu'un passe-temps : c'est une véritable histoire d'amour entre les Balinais et le ciel. Bien sûr, il y a l'impressionnant Bali Kite Festival, qui se tient chaque été sur la plage de Padang Galak, au nord de Sanur. Ce festival internationalement renommé attire des équipes de toute l'île et du monde entier. Mais réduire la culture balinaise du cerf-volant à cet événement serait passer à côté de l'essentiel : le cerf-volant fait partie du quotidien à Bali, bien au-delà des projecteurs touristiques.
Compétition de cerf-volants à Mengwi © Shanti Travel
Un art communautaire et spirituel À Bali, faire voler un cerf-volant (layang-layang, en indonésien), ce n'est pas un jeu d'enfants. C'est une affaire d'hommes, prise très au sérieux, à la croisée du sport, de l'artisanat et du rituel religieux. Contrairement à ce qui se pratique sur l’île de Java, où le cerf-volant est surtout un loisir individuel, à Bali, c'est un projet d'équipe.
Cerf-volant Janggan avant décollage © Shanti Travel
La régence de Badung (ne pas confondre avec Bandung, sur Java), où se trouve notre agence locale en Indonésie, est particulièrement reconnue pour cette tradition à la limite entre sport de village et cérémonie spirituelle. Ici, faire voler un cerf-volant est un acte de foi : une offrande aux dieux hindous, pour remercier des récoltes ou implorer leurs grâces. Le vol symbolise la jonction entre la terre et le ciel, entre les hommes et le divin.
Les Sekaa Layangan : âmes des cerfs-volants
Chaque banjar (village ou quartier) a son Sekaa Layangan, une confrérie dédiée aux cerfs-volants. Ces groupes organisent tout : de la fabrication artisanale à la participation aux compétitions. Leur structure est rigoureuse : un comité dirigeant (prajuru), une équipe de fabrication (tim perajin), une équipe de vol (tim pilot), des sponsors, et un solide réseau communautaire pour soutenir et encourager.
Gagner la compétition est un honneur pour le banjar tout entier. Les préparatifs commencent souvent des mois avant la saison sèche.
Trois formes sacrées dans le ciel
Les cerfs-volants balinais portent des couleurs codifiées : noirs, blanc et rouge. Elle représentent les trois grands dieux hindous : Brahma (créateur), Vishnu (préservateur), Shiva (destructeur). Et ils déclinent en trois grands types : Bebean : en forme de poisson, grand et stable, Pecukan : en forme de feuille, esthétique mais très instable et Janggan. Ce dernier, en forme d'oiseau ou de dragon, doté d’une longue queue ondulante pouvant atteindre 100 mètres est particulièrement apprécié dans la région de Badung (incluant des zones comme Mengwi, Kuta, Jimbaran, Canggu, Pemogan).
Cerfs volant noir rouge et blanc à Bali © Shanti Travel
Une compétition vivante et ancrée
Assister à une compétition locale est un moment rare. Les touristes en sont quasi absents. Pour les populations locales, c’est la mobilisation générale. Dans les rizières sèches, les équipes arrivent en scooters, les cerfs-volants sont portés au dessus des tête ou installés montés sur des structures en bambou fabriquées à cet effet. Chaque groupe est identifiable par ses t-shirts.
Les cerf-volants arrivent sur le lieu de compétition © Shanti Travel
Des structures spéciales sur les scooter pour transporter les cerf-volants © Shanti Travel
Sur place, un commentateur anime l'événement dans un haut-parleur. Les critères d'évaluation sont précis : stabilité, hauteur, durée de vol, esthétique. Les jeunes de l'équipe de vol transportent leurs immenses cerfs-volants avec fierté. Au signal, les Janggan décollent comme des flèches, traînant leur longue queue, symbole de l'esprit qui se déploie dans le ciel. Peu à peu, le ciel se remplit d'oiseaux magiques.
Toute l’équipe pour un décollage réussi © Shanti Travel
Certains cerfs-volants ont une tête sculptée, représentant un dragon ou un oiseau. Elle est détachée pour le transport, souvent peinte et décorée avec soin.
Une tête de cerf volant qui sera fixée sur la structure © Shanti Travel
Une tradition millénaire Les plus anciens Janggan sont documentés à Mengwi et Kuta, deux villages de Badung. Historiquement liés aux cultes marins et à la royauté, ces cerfs-volants font partie du cycle rituel annuel, indépendamment de toute activité touristique. La construction de ces cerfs-volants fait partie de la vie sociale annuelle dans des dizaines de banjars de Badung. Ce n’est pas uniquement un objet de spectacle, mais un acte religieux et identitaire.
Toute la population soutient les équipes © Shanti Travel
Ainsi, lors de votre voyage en Indonésie, si vous avez la chance de passer du temps dans la régence de Badung, demandez à votre guide local s’il est envisageable d’assister à un festival de cerf-volant. Ce moment authentique de la vie des villages vous plongera dans une pratique à la fois historique et très vivante de l'île de Bali.